N. ALEHYANE, S. REGRAGUI.
Service d’ODF
Faculté de Médecine Dentaire de Rabat
Université Mohamed V
RÉSUMÉ
Etant un élément incontournable de la démarche diagnostique en orthopédie dento-faciale, et par conséquence de la décision thérapeutique et du plan de traitement, les moulages orthodontiques resteront toujours un précieux document du dossier d’un patient.
Depuis plusieurs années, la technologie numérique a été introduite en orthodontie, d’abord avec la photographie, ensuite avec la radiologie et, plus récemment avec les moulages.
Les résultats diagnostiques, offerts par les logiciels de traitement des moulages numérisés, peuvent être plus précis que ceux obtenus par des examens conventionnels sur des modèles en plâtre, et surtout avec une manipulation simplifiée et rapide.
Mots clés : Moulage orthodontique, logiciel de traitement, moulage numérisé, stockage.
INTRODUCTION
Etant un élément incontournable de la démarche diagnostique en orthopédie dento-faciale, et par conséquence de la décision thérapeutique et du plan de traitement, les moulages orthodontiques resteront toujours un précieux document du dossier d’un patient; qu’ils soient représentés par des modèles classiques en plâtre ou par représentation tridimensionnelle (3D) virtuelle dans un dossier informatique grâce à des logiciels spécifiques.
Le but de cet article est de mettre le point sur l’existence d’une nouvelle technique qui est la numérisation des modèles en 3D ayant le principal avantage d’archiver et de stocker informatiquement les modèles à défaut d’espace de travail offrant ainsi une ergonomie et une organisation du travail de l’orthodontiste.
LES MOULAGES ORTHODONTIQUES CONVENTIONNELS
Prise et traitement de l’empreinte :
Les moulages font partie du dossier clinique du patient lors de sa prise en charge orthodontique.
Les porte-empreintes en métal ou en plastique sont essayés pour choisir les mieux adaptés puis sont remplis par de l’alginate. Ils sont enfoncés d’arrière en avant pour ne pas faire gicler le matériau d’empreinte vers le voile du palais, ce qui déclencherait un réflexe nauséeux.
Après avoir lavé et désinfecté les empreintes (1), celles-ci seront coulées en plâtre blanc extra-dur qui servira également à la réalisation des socles.
Taille des moulages :
Les moulages sont taillés par un taille plâtre équipé d’un angulateur et deux meules (à gros grains et à grains fins). Nous adopterons comme type de description la taille dite « Américaine » (2).
On commence par la taille des moulages inférieurs en respectant les phases suivantes :
- Le modèle est déposé à l’envers sur la paillasse, de manière à ce que toutes les dents puissent la toucher, et une parallèle au plan d’occlusion est tracée au crayon à 35 mm de celui-ci (Fig 1).
- La partie qui dépasse cette ligne est taillée au moyen de la grosse meule du taille-plâtre. Le modèle est maintenu par une réglette coulissante (Fig 2).
- La partie postérieure du socle est taillée perpendiculairement au plan sagittal médian jusqu’à 0,5 à 1mm en arrière de la dernière molaire. (Fig 3)
- Les parties latérales sont taillées en faisant un angle de 65° par rapport à la limite postérieure du modèle. (Fig 4)
- L’arrondi de la partie antérieure est ensuite taillé de canine à canine. (Fig 5)
- Enfin, les angles postérieurs sont taillés suivant un plan de coupe qui forme avec la limite postérieure un angle de 130 à 135° (Fig 6).
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Pour la taille du moulage maxillaire, il faut d’abord placer les deux moulages en occlusion et suivre les étapes ci-dessous:
- La partie supérieure du modèle maxillaire est taillée, de manière à avoir une hauteur des moulages en occlusion de 70 mm, en restant parallèle à la partie inférieure du modèle inférieur (c’est à dire parallèle au plan d’occlusion) (Fig 7).
- La partie postérieure du modèle supérieur est taillée dans cette position de manière à s’aligner avec le modèle inférieur (Fig 8).
- Les moulages sont séparés, le moulage supérieur est posé sur sa face supérieure et les plans latéraux sont taillés en respectant une valeur des angles de 70° avec la limite postérieure du modèle (même manière que pour le modèle inférieur).
- La partie antérieure est constituée de deux plans de coupe partant des canines, se rejoignant au niveau du plan sagittal médian et faisant chacun, avec la limite postérieure, un angle de 30° (Fig 9).
- Les angles postérieurs sont taillés en faisant un angle de 130° à 135° par rapport à la ligne postérieure du modèle.
Enfin, les modèles sont polis au papier abrasif, trempés dans l’eau savonneuse puis frottés avec la poudre de talc (Fig 10).
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Examen des moulages : (3-6)
Il existe trois types de moulages: ceux de début de traitement, ceux au cours du traitement, et ceux de fin de traitement.
Les moulages sont des éléments indispensables pour le diagnostic orthodontique, de nombreuses informations peuvent être recueillies à travers différentes analyses et examens cités ci-dessous.
Dans l’examen intra-arcade, on peut :
- Calculer les mensurations des arcades dentaires,
- Evaluer les formes d’arcades,
- Noter la formule dentaire,
- Noter les malpositions dentaires,
- Calculer les deux paramètres de la dysharmonie dento-maxillaire au niveau du moulage mandibulaire:
Le nivellement de la courbe de Spee,
Et L’encombrement : l’espace nécessaire - l’espace disponible (Fig 11 et 12).
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Dans l’examen inter-arcade, on relève la classe dentaire d’Angle canine et molaire, le surplomb incisif, le recouvrement, la coïncidence des milieux inter-incisifs ainsi que l’articulé latéral. On peut également calculer certains indices tels que l’indice de Bolton qui permet de faire le diagnostic d’une éventuelle dysharmonie dento-dentaire. Cet indice étant le rapport entre la somme des dimensions mésio-distales des dents mandibulaires et celle des dents maxillaires.
Enfin, on peut réaliser un set up qui consiste à découper les dents et à les remonter dans la situation finale. Le set-up est considéré comme le moyen le plus efficace pour visualiser la situation post-thérapeutique notamment dans les cas d’extraction d’une incisive inférieure ou dans les cas chirurgicaux.
ÉVOLUTION DES MOULAGES ORTHODONTIQUES (7-11)
Grâce à l’évolution de la technologie dans le domaine informatique ainsi qu’au niveau des appareillages tels que le scanner à rayons X ou plus récemment à laser, la numérisation a trouvé son application dans le domaine d’orthodontie.
Méthodes de numérisation des moulages orthodontiques :
La numérisation peut être réalisée soit directement nécessitant un investissement très lourd pour un cabinet d’orthodontie, soit indirectement par sous-traitance avec des sociétés spécialisées dans les numérisations (12,13).
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Dans la technique indirecte qui est la plus adaptée pour les cabinets d’orthodontie, le premier geste est la prise d’empreinte par de l’alginate à prise rapide (figure 13) (Alginot®) (14). Ensuite les empreintes ou les modèles en plâtre sont envoyés à la société de numérisation de son choix.
La numérisation des modèles se fait grâce à des scanners à rayons X ou à laser qui scannent la totalité de la surface des modèles grâce à un mécanisme qui permet de faire tourner le modèle dans les trois sens de l’espace. Ce procédé produit des lignes dans les trois sens de l’espace qui, assemblées en centaines de triangles, forment l’image tridimensionnelle (15).
La réception des modèles numérisés se fait par Internet sur le site de la société. Pour accéder au téléchargement, un mot de passe et un identifiant sont attribués à chaque praticien. Le téléchargement est disponible cinq jours après la réception des empreintes par la société de numérisation.
La manipulation des modèles orthodontiques numérisés nécessite l’installation préalable des logiciels spécifiques à chaque société. Ces logiciels sont disponibles sur Internet par téléchargement ou par envoi gratuit d’un CD-ROM d’installation.
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Applications cliniques des logiciels des moulages tridimensionnels : (11,16)
Il existe plusieurs logiciels qui permettent une numérisation tridimensionnelle des moulages orthodontiques dont les principaux sont : Orthocad®, Emodels® et Bibliocast®.
Nous avons retenu comme type de description Bibliocast® bientôt commercialisé au Maroc.
La page d’accueil comprend une barre d’outils (Fig 14) ainsi qu’une petite fenêtre permettant de manipuler les moulages dans les trois sens de l’espace. Différents affichages sont disponibles, les deux modèles (vue de face et vues de profil) et les deux vues occlusales (Fig 15).
Ce logiciel permet d’effectuer des analyses, des mesures, et encore des coupes sur les modèles 3D en vue d’établir un diagnostic dentaire et occlusal similaire à celui des moulages classiques :
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- Mesure du périmètre d’arcade grâce à des arcs générés automatiquement et modifiables à volontés (Fig 16).
- Mesure mésio-distale des dents : Des étriers virtuels ainsi que le zoom permettent d’ajuster de façon très précise chaque mesure (Fig 17).
- Calcul de l’encombrement : L’espace disponible est calculé à partir des arcs virtuels décrits précédemment et l’espace nécessaire est obtenu par la somme des diamètres mésio-distaux.
- Mesure de l’overjet et de l’overbite : Ces mesures sont facilitées par la possibilité de réaliser des coupes des moulages dentaires (Fig 18).
- Définition du plan d’occlusion (Fig 19).
Outre le diagnostic conventionnel, ce logiciel offre la possibilité de réaliser le set up virtuel, ainsi que de prévisualiser la position des mini-vis (Fig 20).
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CONCLUSION
Depuis plusieurs années, la technologie numérique a été introduite en orthodontie, d’abord avec la photographie, ensuite avec la radiologie et, plus récemment avec les moulages surtout en orthodontie linguale.
Les résultats diagnostiques offerts par les logiciels de traitement des moulages numérisés, sont bien évidemment beaucoup plus précis que ceux obtenus par des examens conventionnels sur des modèles en plâtre; et surtout avec une manipulation simplifiée et rapide.
En outre, les images des diverses manipulations peuvent être communiquées et transmises à des confrères pour discuter les différents cas cliniques ou utilisées lors des conférences.
De plus, la numérisation des moulages solutionne un problème pertinent dans les cabinets orthodontiques et qui est celui de leur stockage.
Pour toutes ces raisons, la tendance à numériser tout le dossier clinique d’un patient d’orthodontie est devenue de plus en plus grande.
Cependant le modèle en plâtre trouve encore sa place au sein d’un cabinet d’orthodontie, d’abord parce que, souvent, la numérisation se fait à partir de ce dernier, et également sa contribution dans la confection des dispositifs orthopédique et orthodontique.
Sans oublier le coût de cette nouvelle technique qui est trois fois plus élevé que celui des moulages classiques.
BIBLIOGRAPHIE
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Benck-top orthodontics
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6. RAKOSIE T., JONAS I.
Atlas de médecine dentaire : orthopédie dento-faciale diagnostic.
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Orthodontie et informatique.
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15. BENAUWT A.
Utilisation clinique des moulages orthodontiques.
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