C. MOUJOUD ; L. KISSI ; I. BEN YAHYA.
Service d’Odontologie Chirurgicale, CCTD, Casablanca
Faculté de Médecine Dentaire de Casablanca
Université Hassan II – Maroc
RÉSUMÉ
Le fibrome ossifiant (FO) est une tumeur osseuse bénigne, qui touche principalement les os à ossification membraneuse. Il est localisé préférentiellement à la mandibule dans les secteurs molaires et prémolaires, d’évolution généralement lente et progressive.
Cette tumeur osseuse consiste en un tissu fibreux hautement cellulaire contentent des quantités variables de tissu calcifié ressemblant à de l’os, du cément ou les deux. Elle est généralement découverte durant la deuxième ou la troisième décennie, et touche principalement les femmes.
Le fibrome ossifiant est une tumeur bénigne avec un faible taux de récidive, dont la pathogénie est encore inconnue, diagnostiquée sur un ensemble de critères cliniques, radiologiques et histologiques.
L’objectif de ce travail est de rapporter un cas clinique de fibrome ossifiant diagnostiqué et traité au sein du service d’odontologie chirurgicale du CCTD Casablanca.
Mots clés : fibrome, ossifiant, chirurgie orale.
INTRODUCTION
Le fibrome ossifiant (FO) est une tumeur osseuse bénigne, étroitement liée à d’autres lésions telles que la dysplasie fibreuse et la dysplasie péri apicale cémentifiante. Il touche principalement les os à ossification membraneuse. Il est localisé préférentiellement à la mandibule dans les secteurs molaires et prémolaires, d’évolution généralement lente et progressive.
Cette tumeur osseuse consiste en un tissu fibreux hautement cellulaire contenant des quantités variables de tissu calcifié ressemblant à de l’os, du cément ou les deux (3). Elle se déclare le plus souvent entre les troisième et quatrième décennies de la vie, et est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. (1,2,3)
Cliniquement, la tumeur peut évoluer silencieusement et la découverte est souvent fortuite ou suite à une paresthésie ou des troubles de la sensibilité en cas de compression des nerfs adjacents, en particulier le nerf alvéolaire inférieur (V3). Les dents adjacentes de la tumeur sont généralement vitales et peuvent être refoulées. Les résorptions radiculaires sont rares.
L’objectif de ce travail est de décrire à travers un cas de fibrome ossifiant ses signes cliniques et radiologiques.
CAS CLINIQUE
Une jeune patiente, âgée de 19 ans a consulté pour une tuméfaction mandibulaire gauche évoluant depuis 3 ans, associée à une douleur et une hypoesthésie.
L’interrogatoire médical ne révélait aucun antécédent personnel ou familial, ni aucun traitement en cours.
L’examen exo-buccal était sans particularités. L’examen endo-buccal a montré une tuméfaction vestibulaire faisant corps avec l’os s’étendant de la 32 à la 36 recouverte d’une muqueuse d’aspect normal. (Fig 1). Les dents étaient saines, vivantes, sans mobilité, mais la 33 présentait un déplacement distal vers la 34.
La palpation a révélé une tuméfaction osseuse douloureuse de consistance dure.
La radiographie panoramique a montré une image d’allure mixte bien limitée, sans signes de sclérotisation périphérique, s’étendant de la 32 à la 36 avec déplacement distal de la 33 (Fig 2).
Fig 1 : Tuméfaction vestibulaire avec soufflure de la corticale vestibulaire recouverte par une muqueuse d’aspect normal s’étendant de la 32 à la 36.
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Fig 2 : Radiographie panoramique montrant une lésion bien limitée avec une densité mixte. |
Face à ces éléments cliniques et radiologiques, le diagnostic de tumeur ossifiante a été évoqué.
Le traitement a consisté en une chirurgie modelante afin de réduire le volume de la tumeur.
L’examen anatomopathologique a mis en évidence une lésion tumorale bénigne de nature fibro- osseuse compatible avec un fibrome ossifiant.
Le contrôle à 8 jours a montré une bonne cicatrisation muqueuse (Fig 3).
Le contrôle à 6 mois a révélé une guérison complète sans aucun signe de récidive (Fig 4).
Fig 3 : Contrôle après 3 mois.
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Fig 4 : Radiographie de contrôle après 6 mois. |
DISCUSSION
Le fibrome ossifiant est une tumeur bénigne des maxillaires, localisée préférentiellement à la mandibule dans les secteurs molaires et prémolaires (1,2).
En 1992, les fibromes ossifiants et cémentifiant ont été regroupés en une seule entité tumorale. En 2005, l’OMS supprime le terme de fibrome cémento-ossifiant pour ne conserver que l’appellation fibrome ossifiant (3).
D’après la classification de l’OMS (2022), le fibrome odontogène comporte désormais clairement des sous-types : le sous-type amyloïde, le sous-type à cellules granuleuses, le sous-type ossifiant et le fibrome odontogène hybride avec granulome central à cellules géantes (4). Notre cas est classé parmi les fibromes odontogènes ossifiants.
La pathogénie de cette lésion fibro-osseuse est encore inconnue. L’origine de cette tumeur a été associée à la membrane parodontale contenant des cellules multipotentes capables de former du cément, de l’os lamellaire et du tissu fibreux (5). Certains auteurs rapportent que les infections et les extractions dentaires peuvent être à l’origine de cette tumeur à travers la stimulation de la membrane parodontale à produire le cément.
Généralement, ces tumeurs se déclarent entre la deuxième et la troisième décennie, et touchent principalement les femmes, c’est le cas pour notre jeune patiente âgée de 19 ans.
L’os maxillaire est moins touché que l’os mandibulaire. Les sites de prédilection sont les régions molaires et prémolaires pour la mandibule (comme le montre notre cas) et la fosse canine pour le maxillaire.
Cliniquement, ces tumeurs se manifestent comme une masse intra-osseuse indolore, et sa découverte est fortuite suite à un bilan radiologique à un stade initial. Mais au fil du temps, la lésion peut devenir assez grande pour provoquer des signes multiples, neurologiques suite au refoulement des structures adjacentes, faciaux et bucco-dentaires (notre patiente présentait une hypoesthésie mandibulaire gauche).
L’aspect radiologique n’est pas spécifique. Initialement, le fibrome ossifiant peut apparaître comme une image radio-claire, uniloculaire ou multiloculaire, mais au fil des années, elle se transforme en lésion radio-opaque avec une densité mixte.
Il a été décrit par divers auteurs notamment Barberi et coll, qui ont classé le profil radiographique comme suit : lésion définie sans bord scelérotique (40 %), lésion définie avec bord sclérotique (45 %) et lésion avec bordure mal définie (15 %) (6). La lésion observée chez notre patient était bien définie, de densité mixte et dépourvue de bord sclérotique.
L'examen clinique et radiologique seul n'apporte pas une conclusion diagnostique suffisante et seule la comparaison avec l'examen anatomopathologique permet de déterminer le type exact de lésion tumorale.
Le diagnostic différentiel se fait avec la dysplasie osseuse. Le seul trait distinctif entre les deux et la capsule fibreuse, le fibrome ossifiant présente souvent des limites nettes tandis que la dysplasie fibreuse s’intrique avec les structures anatomiques avoisinantes (7).
La prise en charge thérapeutique de la FO reste discutée. Les petites lésions uniques peuvent être traitées de manière conservatrice par énucléation et curetage jusqu'à l'obtention d'une marge osseuse saine. En revanche, les lésions plus étendues doivent bénéficier d'une résection chirurgicale radicale (Pour notre patiente, on a opté pour une thérapeutique conservatrice vu la petite étendue de la lésion).
L'évolution de cette tumeur est généralement bénigne, avec possibilité de rupture de la corticale osseuse et diffusion dans les parties molles pour les formes extensives. (8)Les récidives postopératoires du fibrome ossifiant sont possibles, 10 à 28% après énucléation et moins de (5%) après exérèse. Une surveillance prolongée est donc justifiée (9,10).
CONCLUSION
Le fibrome ossifiant est une tumeur osseuse bénigne rare de la région cranio-faciale en particulier la mandibule dont la pathogénie est encore inconnue, diagnostiquée sur un ensemble de critères cliniques, radiologiques et histologiques. Le médecin dentiste se doit de connaitre ses signes cliniques et radiologiques, car un dépistage précoce peut grandement améliorer la prise en charge de ces patients et réduire le risque de complications associées.
BIBLIOGRAPHIE
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